Quitter le logement familial est plus difficile pour les jeunes de Seine-Saint-Denis

Publié le par AIPI 93

Quitter le logement familial est plus difficile pour les jeunes de Seine-Saint-Denis

Auteurs : Claire Decondé et Philippe Pottier, Insee Ile-de-France
              François Hamet, Département de la Seine-Saint-Denis

Résumé

En Seine-Saint-Denis, un jeune âgé de 15 à 29 ans sur trois dispose de son propre logement. Quel que soit l’âge, cette part est moins importante qu’à Paris, dans les Hauts-de-Seine ou le Val-de-Marne. A âge égal, diplômes et emplois équivalents, les jeunes de Seine-Saint-Denis décohabitent moins que ceux des départements voisins. Les jeunes résidant chez leurs parents sont plus souvent actifs en Seine-Saint-Denis qu’ailleurs et leurs conditions de logement sont plus difficiles. Les jeunes ayant leur propre logement sont moins souvent étudiants qu’ailleurs. Ils sont, en outre, plus souvent en couple.

Introduction

En 2006, 329 000 jeunes de 15 à 29 ans vivent en Seine-Saint-Denis. Parmi eux, 55 % vivent chez leurs parents, 34 % habitent un logement indépendant  et 11 % sont dans une situation intermédiaire (foyer, hébergement, colocation) ( Les personnes vivant dans des ménages sans famille ou hors ménage (communautés)).

 

Avoir son propre logement est beaucoup plus fréquent à Paris (51 %), du fait de la présence de nombreux étudiants, mais aussi dans les Hauts-de-Seine (44 %) et le Val-de-Marne (37 %).

 

Graphique 1 - Des jeunes plus souvent chez leurs parents en Seine-Saint-Denis

Graphique 1 - Des jeunes plus souvent chez leurs parents en Seine-Saint-Denis 

Source : Insee, recensement de la population 2006, exploitation complémentaire

 

Comme dans le centre de l’agglomération, la part de jeunes habitant en Seine-Saint-Denis dans un logement indépendant augmente avec l’âge. De 12 % à 20 ans, elle atteint 55 % à 25 ans et 77 % à 29 ans. Cette augmentation de l’indépendance avec l’âge est aussi liée, en partie, aux arrivées dans le département de jeunes plus souvent autonomes. La part des arrivées de jeunes en Seine-Saint-Denis, résidant dans un autre département 5 ans avant, croît avec l’âge (16 % à 20 ans, 31 % à 24 ans, 35 % à 29 ans). La part des jeunes en logement indépendant est toutefois toujours supérieure dans les départements voisins, quel que soit l’âge 
 

Graphique 2 - Plus d'un jeune sur deux en Seine-Saint-Denis habite un logement indépendant à partir de 25 ans

Graphique 2 - Plus d'un jeune sur deux en Seine-Saint-Denis habite un logement indépendant à partir de 25 ans 

Source : Insee, recensement de la population 2006, exploitation complémentaire

 

La décohabitation des jeunes de Seine-Saint-Denis semble être devenue plus difficile en 2006 qu’en 1999, et ce à tout âge. L’accès à un logement indépendant a globalement baissé de 2 points (34 % en 2006 contre 36 % en 1999). Pourtant, la part des jeunes parmi les arrivants a progressé par rapport à la décennie précédente et le taux d’autonomie de ces jeunes arrivants a également augmenté. C’est donc pour les jeunes résidant chez leurs parents en Seine-Saint-Denis que la décohabitation est devenue plus difficile. Ils arrêtent plus précocement leurs études que les jeunes des départements voisins. Les conditions de leur insertion professionnelle ne leur apportent pas l’autonomie financière permettant la décohabitation, dans un contexte de pénurie et de cherté croissante des logements : un environnement qui les contraint à rester plus longtemps chez leurs parents.

 

Le cumul des difficultés ralentit l'accès à l'autonomie

En Seine-Saint-Denis, 180 000 jeunes entre 15 et 29 ans vivent chez leurs parents. Les filles sont moins nombreuses dans cette situation car, à âge égal, elles décohabitent plus que les garçons. En Seine-Saint-Denis, cette différence de comportement entre filles et garçons est encore plus nette. Les jeunes vivant chez leurs parents sont en moyenne plus âgés et moins souvent scolarisés ou étudiants que dans les départements voisins (Tableau 1).

 

Tableau 1 - Les jeunes chez leurs parents : moins souvent étudiants, plus souvent actifs

 

Les jeunes de Seine-Saint-Denis s’émancipent moins même s’ils sont plus souvent actifs. Les actifs ayant un emploi et n’étant pas étudiants par ailleurs accèdent davantage à des professions d’ouvriers ou d’employés, moins rémunératrices, que dans les autres départements. Ils sont également un peu plus souvent à temps partiel. Un jeune sur neuf est au chômage, et un sur quatre parmi ceux de 25 à 29 ans. Cette proportion est plus élevée que dans les autres départements. Quant aux étudiants (Les étudiants en logements autonomes), plus fréquemment actifs que dans les autres départements, leur activité est souvent à temps partiel et leur niveau de revenu est insuffisant pour louer un logement. La présence des universités et lieux d’enseignement supérieur dans le département et la bonne desserte par le système de transports collectifs permettent aux étudiants de Seine-Saint-Denis, comme de l’ensemble du coeur d’agglomération, de rester chez leurs parents. Les jeunes inactifs, hors scolaires et étudiants, et les chômeurs cumulent les difficultés. Ce sont plus souvent des garçons, ils sont moins diplômés et vivent davantage dans une famille monoparentale.

Pour l’ensemble des jeunes, l’aide que les familles peuvent apporter pour accéder à un logement indépendant est globalement plus limitée que dans le reste du coeur de l’agglomération. Le contexte familial est en effet moins favorable : de catégories sociales plus modestes, les parents sont moins souvent bi-actifs et davantage au chômage.

Lorsqu’ils habitent avec leurs deux parents, seuls 47 % des jeunes ont leurs parents qui travaillent tous les deux, soit au minimum 10 points de moins que dans les départements voisins. De plus, ces jeunes ont également 3,5 fois moins de chance d’avoir un père cadre que dans les Hauts-de-Seine et 2 fois plus d’avoir un père ouvrier. La mère est, quant à elle, plus fréquemment au foyer. En Seine-Saint-Denis, 27 % des mères sont dans ce cas, contre 22 % dans les Hauts-de-Seine et 19 % dans le Val-de-Marne. Les parents de famille monoparentale sont moins souvent en emploi qu’ailleurs. Plus généralement, quelle que soit la structure de la famille, le chômage affecte bien plus les parents des jeunes de Seine-Saint-Denis que dans les départements voisins.

 

Des conditions de logement chez les parents moins favorables

Leurs conditions de logement sont moins confortables que dans les départements des Hauts-de-Seine et du Val-de-Marne, du fait de familles plus nombreuses. Le nombre de personnes par logement du parc locatif, privé ou social, est plus élevé que dans le parc en propriété dans l’ensemble des départements, mais le surpeuplement est renforcé en Seine-Saint-Denis. Cela est particulièrement vrai pour les familles monoparentales et celles arrivées depuis moins de 5 ans logées dans le parc privé, souvent dans de très petits logements. Dans le cas des logements sociaux, bien que les critères d’attribution mettent davantage en adéquation la composition du ménage et celle des logements, la taille des logements est à peine mieux adaptée à l’accueil des familles que dans le parc privé. Les jeunes dont les parents sont propriétaires disposent en général de conditions de logement meilleures, avec des logements plus grands. Dans ce cas, ils bénéficient plus souvent de leur propre chambre (Graphique 3).

 

Graphique 3 - Les jeunes de Seine-Saint-Denis ont plus rarement leur propre chambre

Graphique 3 - Les jeunes de Seine-Saint-Denis ont plus rarement leur propre chambre 

Source : Insee, recensement de la population 2006, exploitation complémentaire

 

 

Etre nouvel arrivant dans le département favorise l’autonomie

En 2006, la Seine-Saint-Denis compte 111 000 jeunes habitant dans un logement autonome. Les situations intermédiaires (colocations, foyer d’hébergement...) concernent 39 000 jeunes. Evidemment, les jeunes arrivés dans le département depuis moins de 5 ans sont plus indépendants (64 %) que ceux qui y résidaient auparavant (24 %) car ils sont en moyenne plus âgés. Même à 29 ans, l’écart entre les arrivants et ceux qui résidaient en Seine-Saint-Denis depuis plus longtemps reste important : 85 % des jeunes arrivants ont un logement indépendant contre 72 % pour les stables. C’est vrai également dans les autres départements du centre d’agglomération, mais les territoires ont des spécificités dans la nature et la structure d’accueil des arrivants. Paris et les Hauts-de-Seine attirent davantage de personnes seules et de couples sans enfant, tandis que la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne reçoivent plutôt des familles avec enfants, à faibles ressources.

Les étrangers déjà présents en Seine-Saint-Denis cinq ans auparavant occupent plus souvent un logement autonome que les Français (Graphique 4). Si les étrangers arrivés récemment disposent, quant à eux, moins souvent d’un logement autonome que les Français, c’est uniquement du fait de leur profil : ils sont plus jeunes, plus souvent au chômage ou ouvriers lorsqu’ils travaillent que les Français. A caractéristiques comparables, ils disposeraient davantage de leur propre logement.

 

Graphique 4 - De fortes disparités d'accès à l'autonomie selon le profil

Graphique 4 - De fortes disparités d'accès à l'autonomie selon le profil 

Source : Insee, recensement de la population 2006, exploitation complémentaire

 

 

L’emploi, facteur d’indépendance

Etre en emploi est un des principaux facteurs d’indépendance. En Seine-Saint--Denis, les jeunes de 20 à 29 ans ayant quitté le système scolaire et en emploi ont plus souvent un logement indépendant (59 %) que ceux au chômage (45 %). Cette proportion parmi les actifs en emploi est encore plus élevée à Paris (74 %), dans les Hauts-de-Seine (74 %) ou dans le Val-de-Marne (66 %). La part de petits logements, plus accessibles aux jeunes, y est plus importante et aussi plus adaptée. Les couples bi-actifs et les catégories sociales supérieures sont aussi plus fréquents.

La catégorie sociale, en rapport étroit avec les revenus, influe sur la mise en ménage et la présence d’enfants. En Seine-Saint-Denis, 63 % des jeunes cadres vivent dans un logement autonome contre 51 % des employés ou 42 % des ouvriers. Même pour les cadres, les freins à l’indépendance semblent plus élevés en Seine-Saint-Denis. Plus de huit cadres sur dix vivent dans un logement indépendant à Paris et dans les Hauts-de- Seine, et trois sur quatre dans le Val-de-Marne. Toutefois, les cadres de Seine-Saint-Denis ont un niveau de diplôme et de rémunération en moyenne moins élevé. Pour les employés et les ouvriers, l’autonomie est plus faible aussi en Seine-Saint-Denis mais les écarts sont réduits avec les départements voisins. A 29 ans, ces catégories sont même plus souvent autonomes en Seine-Saint-Denis qu’à Paris où ces derniers, en raison de ressources insuffisantes par rapport à l’offre de logements, passent plus par des situations intermédiaires (colocations, foyer...), qui subsistent avec l’âge.

Les taux d’autonomie des inactifs (étudiants, personnes au foyer...) et des chômeurs en Seine-Saint-Denis (37 %) et dans le Val-de-Marne (38 %) se révèlent assez proches, mais ils sont plus élevés à Paris (51 %) et dans les Hauts-de-Seine (42 %). Les inactifs présents depuis moins de 5 ans sont davantage logés dans un logement indépendant que les ménages stables (64 % contre 28 %). Cet écart est dû à la faiblesse de leurs liens avec le territoire, ainsi qu’à la forte proportion de femmes au foyer et de familles monoparentales.

 

La formation reste un atout important

Le degré d’autonomie varie aussi selon les qualifications et les niveaux de diplôme. Pourtant, parmi les jeunes ayant terminé leurs études, les diplômés de l’enseignement supérieur sont moins souvent indépendants en Seine-Saint- Denis (49 %) qu’à Paris (69 %), dans les Hauts-de-Seine (66 %) ou le Val-de- Marne (57 %). En Seine-Saint-Denis, six diplômés sur dix résidaient dans le département 5 ans auparavant contre quatre sur dix pour Paris et les Hauts-de-Seine, ce qui explique notamment ces écarts. De plus, dans ces deux départements, les diplômés possèdent plus souvent un diplôme du second cycle et sont plus épargnés par le chômage.

Les jeunes avec un diplôme professionnel décohabitent un peu moins, du fait de ressources inférieures, mais les écarts entre départements sont faibles : 38 % en Seine-Saint-Denis contre 40 % à 42 % dans les départements voisins. Toutefois, le fait de commencer sa vie professionnelle plus tôt se traduit aussi par des mises en ménage et la constitution de familles plus précoces. A 29 ans, leur émancipation est ainsi plus importante en Seine-Saint-Denis (79 %) qu’à Paris (74 %) où l’offre de logements contraint ces jeunes à passer davantage par des situations intermédiaires (colocation, foyer…).

Les non diplômés décohabitent moins que les diplômés, mais davantage en Seine-Saint-Denis (32 %) que dans les Hauts-de-Seine (28 %), le Val-de-Marne (30 %) et à Paris (30 %). Les femmes au foyer, nombreuses parmi les femmes non diplômées en Seine-Saint-Denis, expliquent en partie cette situation. Le département regroupe plus de la moitié des femmes au foyer non diplômées du centre d’agglomération.

 

Sept jeunes sur dix en couple parmi ceux qui disposent d’un logement autonome

Parmi les décohabitants de 15 à 29 ans de Seine-Saint-Denis, sept sur dix vivent en couple sans enfant (37 400 jeunes) ou avec enfant(s) (39 200 jeunes). Les deux tiers sont âgés de 25 à 29 ans.

La mise en ménage est également un moyen d’accéder à un logement indépendant de celui des parents, soit par le cumul de salaires, même avec un emploi à faible rémunération ou à temps partiel, soit parce que les prestations sociales constituent un complément de ressources important. Les femmes vivent ainsi plus souvent dans un logement indépendant que les hommes en Seine-Saint- Denis (41 % contre 26 %), et vivent plus souvent en couple avec enfant(s) que les hommes. Ces écarts subsistent, puisqu’à 29 ans les hommes occupent encore moins souvent un logement indépendant que les femmes (69 % contre 84 %). Les femmes se mettent en effet en couple de façon plus précoce que les hommes. Ce phénomène est plus fréquent en Seine-Saint-Denis que dans les autres départements.

Un jeune décohabitant sur quatre, soit 26 900 jeunes, vit seul, cette part est plus élevée à Paris (55 %) et dans les Hauts-de-Seine (37 %) où les étudiants sont plus nombreux. Six sur dix ont entre 25 et 29 ans et plus d’un sur deux ne résidait pas dans le département 5 ans plus tôt (Paris 63 %, Val-de-Marne 59 %, Hauts-de-Seine 64 %).

Les familles monoparentales représentent 7 % des adultes indépendants (soit 7 400 jeunes), où les femmes sont très majoritaires (92 %) : trois sur quatre ont entre 25 et 29 ans, les trois quarts vivaient déjà dans le département 5 ans plus tôt. Ces parts sont plus faibles pour les départements voisins.

 

Un recours important au parc locatif privé malgré des revenus modestes

Les jeunes qui vivent seuls ou en couple sans enfant résident en priorité dans le parc locatif privé (Tableau 2). Cette part est accentuée lorsqu’ils viennent de province (55 %). En revanche, les jeunes déjà présents 5 ans plus tôt accèdent davantage au parc social que les nouveaux arrivants. Ce parc se caractérise par un accroissement limité, une mobilité des occupants relativement faible et la lenteur du processus d’attribution. Ainsi, ceux qui résidaient déjà dans le département sont favorisés car ils peuvent formuler une demande de logement HLM bien avant leur départ du domicile parental. Très prioritaires dans les critères d’attribution, les familles monoparentales s’installent majoritairement dans un logement social (51 %).

 

Tableau 2 - Une suroccupation importante pour les ménages ayant des enfants

 

Pour les mêmes raisons, le parc social accueille plus facilement les couples avec enfant(s) (38 %). Tous statuts d’occupation confondus, le nombre moyen de personnes par pièce est plus faible pour les familles originaires de province (1,15) que pour celles déjà installées dans le département (1,35) et pour les familles étrangères (1,57). Cela souligne les différences socio-économiques entre les entrants et les stables, les premiers ayant des revenus plus élevés et des compositions familiales plus réduites en général au moment de leur emménagement. Leurs charges de logement sont pourtant souvent supérieures, du fait de l’évolution des loyers ou du choix d’accéder à la propriété.

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