Blocage des loyers neufs: en attendant l'encadrement des autres?

Publié le par AIPI 93

Blocage des loyers neufs: en attendant l'encadrement des autres?

Après l'annonce du doublement du livret bleu destiné à trouver des fonds pour le bâti social, voici le premier temps fort de l'application du programme Hollande pour résoudre le probléme du Logement: la ministre du Logement vient de confirmer la publication prochaine d’un décret qui visera à bloquer les loyers en zones tendues. Cécile Duflot a détaillé le contenu de ce texte qui devrait être présenté au Conseil d’Etat courant juin, publié cet été et entrer en application à la rentrée; donc indépendemment de l'Assemblée qui sortira des urnes dans les semaines qui viennent et qui, Elle, sera déterminante pour fabriquer la Grande Loi sur le Logement promise...

La nouvelle ministre - à part entière - a évoqué trois étapes de travail afin d’aboutir à un décret en Conseil d’Etat. Tout d’abord, se servir de la loi du 6 juillet 1989, dite loi Mermaz-Malandain (déjà des socialistes...)  qui régit les rapports locataires-propriétaires et qui indique, à l’article 18 que « dans la zone géographique où le niveau et l’évolution des loyers comparés à ceux constatés sur l’ensemble du territoire relèvent une situation anormale, […] un décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la Commission nationale de concertation, peut fixer le montant maximum d’évolution des loyers des logements vacants ». C'est déjà une difficulté quasi insurmontable, car on ne sait pas bien juridiquement ce qu'est un logement vacant...Certains auraient d'ailleurs préféré à cett future usine à gaz un vulgaire décret d'urgence de réquisition des logements inoccupés, quitte à limiter leur définition à ceux qui ne sont pas raccordés actuellement à l'EDF ?

Puis, établir un « panorama complet du logement et des loyers en France »; c'est là le noeud du probléme, pour ne pas dire là où le bât blesse...Car les statistiques en la matière sont incomplétes, pour ne pas dire plus... En particulier, elles se "cognent" pour la relocation - visée par le texte - avec l'application de l'IRL, l'indice de révision des loyers en cours, qui est plustôt inférieur actuellement à l'évolution semi-officielle des loyers neufs vides. Et, cerise sur le gâteau, elles ne tiennent pas compte du marché de la location meublée, en pleine essor avec la crise et qui touche aussi bien les riches touristes que les pauvres sans papiers !

Enfin, la Ministre compte engager un processus de « concertation » auprès de tous les acteurs du logement, tant privés que publics, pour travailler sur la réforme de la loi de 1989. Voir le post scriptum...

Concrètement, selon Batiactu, la mesure que souhaite adopter le gouvernement ne signifie pas que les loyers seront figés : une fois fixés, ils continueront d’évoluer selon l’indice de révision en vigueur qui colle à l’inflation. La nouveauté, c’est que les propriétaires n’auront plus désormais la possibilité d’augmenter le loyer comme bon leur semble à l’occasion d’un changement de locataire. Selon le gouvernement, il faut « stopper la spirale » qui fait que de relocation en relocation, les loyers atteignent des sommets en particulier dans les zones où des distorsions existent entre l’offre et la demande. Il s’agit donc là d’une « mesure rapide », en attendant une grande loi sur le logement qui devrait voir le jour à partir de 2013. Or celle-ci contiendra le dispositif sur l’encadrement des loyers, apparemment plus difficile à mettre en œuvre que le simple blocage décidé ce jour : avant cela, l’ensemble des communes doit établir un observatoire des loyers ; or, seules la région parisienne et quelques grandes villes de province possèdent un tel outil actuellement.

 L’annonce de Cécile Duflot n’a pas tardé à faire réagir les professionnels du secteur. Ainsi la Fnaim- fédération des agents immobiliers-  par la voix de son président encore en exercice, René Pallincourt, s’est insurgé contre cette mesure : « Toute mesure qui contraint le bailleur n’est pas viable. Elle est même susceptible d’en décourager beaucoup. Or, on manque d’investisseur dans l’immobilier ». Jugeant cette annonce « absurde », la Fédération nationale de l’immobilier propose un « bail puissance trois » qui consiste à inciter un propriétaire bailleur à louer son bien immobilier à un tarif inférieur de 50 % aux tarifs du marché. L’ancien ministre délégué au Logement, Benoist Apparu, de renchérir : « Le blocage annoncé à titre provisoire va en fait durer plusieurs années, jusqu’à la mise en place de l’encadrement, qui prendra probablement deux à trois ans ». Ce dispositif ne fera que «perpétuer les injustices : les loyers chers resteront chers, et les loyers pas chers resteront pas chers », estime-t-il auprès de nos confrères de Libération.

Des propos que réfutent en bloc le représentant de la Fondation Abbé-Pierre, qui estime « peu crédible » l’argument de la Fnaim. « C’est une menace pas très crédible. Quel propriétaire acceptera de renoncer à un loyer annuel de 12.000 euros pour un deux pièces à Paris, au motif qu’il ne pourrait le louer 100 euros plus cher ? », s’est-il demandé. Et de rappeler que la hausse des loyers à la relocation dans la Capitale s’est élevée à 50% entre 2001 et 2011, comme l’a noté l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne. De son côté, laConfédération nationale du logement (CNL) s’est félicitée de cette annonce, elle qui avait, le 10 mai dernier, réclamé le blocage des loyers et la revalorisation des aides au logement. 

Consciente de l’urgence de la réforme, Cécile Duflot a également précisé que seront prochainement abordés des changements de plus grande ampleur comme la rénovation thermique d’un million de logements chaque année ou encore la réévaluation du seuil de la loi SRU.

Post Scriptum

A SAVOIR. Selon les premières estimations de l'enquête annuelle de l'Observatoire des Loyers de l'Agglomération Parisienne (OLAP), la hausse globale est de 2,4% contre 1,6% en province...Et à Paris intra muros, la hausse des loyers de relocation atteint ...9%! 

Revalorisation de bail ou relocation: il ne fait pas bon être locataire en Ile-de-France. Selon les premiers résultats de l’enquête annuelle de l’OLAP qui doit être finalisée en juillet prochain, les loyers franciliens ont progressé l’an passé à des rythmes bien supérieurs à ceux des agglomérations de province, quel que soit le scénario. Pour les locataires installés, la hausse est restée supérieure à celle de l’IRL, l’Indice de Référence des Loyers (IRL), indexé sur l’inflation et utilisé dans la revalorisation des loyers des baux en cours (+1,7% en moyenne en 2011 contre +0,4% en 2010), alors que ceux des logements de province «enregistrent depuiscinq ans une hausse voisine de celle de l’IRL» note l’Olap. Même décalage observé en cas de changement de locataireLe «saut à la relocation», ou hausse moyenne enregistrée entre l’ancien et le nouveau loyer des logements ayant vu arriver un nouvel occupant en 2011 s’est établi à 6% en région parisienne alors qu’il était stable en province. Par ailleurs, Paris intra muros se distingue par des hausses de loyer à la relocation de près de 9% en raison d’une pénurie structurelle de logements.

A NOTER. Signe de ces évolutions divergentes, à Paris, les locations de 2011 se sont conclues à un loyer moyen de 23,40 euros/m2 (contre 22,6 euros/m2 en 2010), soit une progression de 3,5 % en un an, selon l’OLAP. En petite couronne, la modération des loyers de relocation est sensible avec une progression de l’ordre de 2% en un an pour un loyer de 17 euros/m2 contre 16,7 euros/m2 en 2010. En province, les locations de 2011 se sont négociées en moyenne à 9,8 euros/m2, soit 0,1 euro/m2 de .plus qu’en 2010.

 

ET AUSSI. La Loi sur l’accès au logement : encadrement des loyers à la location et à la relocation, renforcement des sanctions prévues par la loi SRU, réforme du régime de cession du foncier de l'Etat pour faciliter la construction de logements par les collectivités territoriales - Date : entre août 2012 et juin 2013

Le logement
- Caution solidaire : mise en place pour permettre aux jeunes d'accéder à la location - décret pris après concertation avec les partenaires sociaux – Date : entre le 6 mai et le 29 juin 2012.
- Garantie pour l’épargne défiscalisée (livret A et livret d’épargne industrie, successeur du Livret de développement durable) d’une rémunération supérieure à l’inflation et doublement du plafond de ces livrets, pour mieux financer le logement social, le développement des PME et l’innovation– Date : entre le 6 mai et le 29 juin 2012.


Energie
- Lancement du débat national sur la transition énergétique préalable à la loi de programmation : préservation des ressources naturelles et de la biodiversité, sécurisation de nos filières énergétiques et développement des filières industrielles des énergies nouvelles, plan massif de rénovation thermique des logements - Date : Entre le 3 juillet et le 2 août 2012
- Dès l’achèvement de la préparation technique, loi sur la tarification progressive de l’eau, de l’électricité et du gaz- Date : entre août 2012 et juin 2013

 

par Dominique Thiébault

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